Départ massif suscite des craintes de répercussions économiques et politiques en Israël

Avraham Beninfield était très déçu par les politiciens israéliens au point qu'il se préparait à déménager à l'étranger lorsque l'attaque du 7 octobre 2023 a bouleversé ses plans. Mais maintenant, après des semaines de trêve entre le Hamas et Israël, Beninfield commence à faire ses valises pour partir.

Beninfield déclare : "Être à quelques heures d'une alerte, d'une attaque terroriste, d'une guerre régionale, ou d'un missile venant d'Iran, de Gaza ou du Liban, c'est trop". Il explique qu'il pourrait faire face à tout cela s'il pensait que le gouvernement dirige Israël dans la bonne direction, et dit : "J'ai besoin de savoir que toute cette souffrance est pour une bonne cause".

Le Washington Post rapporte que Beninfield se prépare à partir avec son ami vers la Suisse pour rejoindre des dizaines de milliers d'Israéliens qui ont choisi de quitter le pays, plus de 80 000 des 10 millions d'habitants d'Israël ayant émigré à l'étranger en 2024, et des chiffres similaires sont attendus cette année.

Le journal cite des sociologues et des démographes israéliens affirmant que la plupart des nouveaux immigrants ont une bonne éducation, un revenu élevé, sont laïques, ont des tendances de gauche, et critiquent vivement la direction prise par les dirigeants israéliens. Beaucoup d'entre eux sont employés dans des start-ups, médecins, et étudiants cherchant à obtenir des diplômes avancés.

Ces experts craignent des répercussions économiques, sociales et politiques qui pourraient affecter Israël pendant des décennies. Itay Atar, professeur d'économie à l'Université de Tel Aviv, déclare : "Il y a une fuite des cerveaux dans d'autres parties du monde, mais il y a une spécificité en raison de la composition démographique israélienne".

Il prend l'exemple des travailleurs du secteur des technologies avancées en Israël qui représentent une part importante des immigrants. Bien qu'ils ne constituent que 11 % de la main-d'œuvre, ils paient un tiers des impôts du pays.

Sur le plan politique, le journal indique que le départ de ces Israéliens, dont la plupart ont des tendances de gauche, pourrait influencer les élections serrées dans le pays, car la plupart des expatriés n'ont pas le droit de vote depuis l'étranger.

Dafna Patiši-Braïlok, propriétaire d'une agence aidant les Israéliens à émigrer, confirme qu'elle reçoit un volume de demandes sans précédent, avec une urgence accrue pour partir par rapport au passé.

Patiši-Braïlok explique que la plupart des Israéliens émigraient à l'étranger avant la dernière guerre pour des raisons professionnelles, mais que ses clients cherchent récemment à obtenir une pause des guerres continues et des troubles politiques en Israël. Elle a déclaré que les contacts avaient doublé après la guerre de 12 jours avec l'Iran en juin dernier, lorsque Tel Aviv a été bombardée par des missiles iraniens.

Selon les chiffres publiés par le Washington Post, environ 200 000 Israéliens vivent actuellement en Europe. Pendant des années, les Israéliens ont obtenu des passeports secondaires de pays de l'Union européenne, y compris l'Allemagne et la Pologne, qui ont accordé la citoyenneté aux descendants des survivants de l'Holocauste, ainsi que l'Espagne et le Portugal qui ont ouvert en 2015 la voie à la citoyenneté pour les Juifs dont les ancêtres ont été expulsés de ces pays au XVe siècle.

Le journal mentionne que dans des villes comme Lisbonne et Berlin, les nouveaux arrivants d'Israël trouvent des communautés dynamiques d'expatriés israéliens, où des informations sur l'immobilier et des conseils professionnels sont échangés dans des groupes Facebook tels que "Israéliens au Portugal" qui compte plus de 50 000 membres, ou "Israéliens à Berlin" qui en compte 38 000.

Certains Israéliens ont déclaré qu'ils se sentaient incertains quant à la durée de leur éloignement, que ce soit temporaire ou une émigration permanente, et s'ils avaient pris la bonne décision pour eux et leurs familles.

De plus, ceux qui ont pris la décision d'émigrer se retrouvent confrontés à une stigmatisation sociale, les immigrants en Israël étant appelés en hébreu "Olim", ou "les montants", tandis que ceux qui partent sont appelés "Yordim", ou "les descendants".