Camp de Nour Shams : témoignages palestiniens sur la démolition de leurs maisons par Israël

Des citoyens palestiniens du camp de réfugiés de Nour Shams, au nord de la Cisjordanie occupée, ont déclaré qu'Israël avait transformé leur camp et leurs maisons en ruines à la suite d'opérations de déblaiement et de destruction massives.

Ils ont ajouté dans des entretiens accordés à l'Agence Anadolu mercredi que l'armée israélienne leur avait permis d'entrer dans le camp pendant quelques heures pour récupérer ce qu'ils pouvaient de leurs affaires avant la démolition de 25 bâtiments résidentiels sous prétexte de « raisons de sécurité ».

Samar Al-Mahr a déclaré à Anadolu : « La maison de mon frère est programmée pour la démolition, c’est une personne invalide, il n’a pas d’alternative ni d’abri, la situation est tragique au sens propre du terme. Ma mère a été déplacée, et nous n’avons pas pu accéder à la maison de ma sœur. »

Elle a poursuivi : « Nous sommes entrés pour voir cette tragédie, les maisons sont détruites à l’intérieur, tout est cassé. Les appareils sont détruits, rien n’est en état. Les animaux vivent à l’intérieur des maisons, et leurs excréments sont sur les meubles. Les murs sont cassés et les portes arrachées. »

En pleurs, elle a ajouté : « Je n’ai pu sortir que quelques vêtements simples pour ma mère, tout ce qui porte un souvenir. Tout le reste est perdu. C’est une injustice ce qu’ils ont fait. »

Une odeur de mort

« Une destruction au-delà de toute capacité de support »... C’est ainsi qu’Oum Ishaq Mahamid a commencé son récit à Anadolu sur ce qu’elle a vu dans le camp.

Elle a ajouté : « Je suis entrée pour aider et sortir quelques affaires pour mon fils, je suis arrivée chez moi et je l’ai trouvé détruit à l’intérieur. »

Elle a poursuivi : « Il y a une odeur de mort partout, il n’y a pas d’humains. Le camp est devenu vide. Les animaux y vivent comme s’il s’agissait d’un cimetière. »

« Je ne peux même pas accéder au cimetière du camp, où reposent mon fils et mon mari, tous deux martyrs. C’est la chose la plus difficile, ce n’est plus un lieu de vie. Nous sommes entrés aujourd’hui malgré tout et avons été fouillés », selon Oum Ishaq.

Elle a ajouté : « J’ai essayé de sortir des vêtements pour mon fils emprisonné à la prison de Nafha, dans l’espoir qu’il soit libéré, il est détenu depuis trois ans, mais je n’ai rien trouvé. Je n’ai même pas trouvé de trace des affaires de ma fille martyr à l’intérieur de la maison. »

La maison du Palestinien Ahmed Al-Masri figure également sur la liste des démolitions.

Il a déclaré à Anadolu : « Ma maison compte cinq étages, environ 30 personnes y vivent. Elle sera démolie aujourd’hui. Nous sommes complètement dispersés. »

« On nous a interdit l’entrée, et seul un petit nombre de membres de la famille a été autorisé », a-t-il ajouté.

Il a indiqué que « l’entrée dans le camp nécessite une coordination et une autorisation. Les gens ont été laissés sans abri ni alternatives. »

Terrorisme et déplacement

Selon l’activiste politique Suleiman Al-Zuhairi, un des habitants du camp, ce qui se passe à « Nour Shams » représente « une nouvelle attaque de terrorisme, d’injustice et d’agression » israélienne.

Il a déclaré à Anadolu que l’opération de démolition vise 25 bâtiments comprenant plus de 200 unités résidentielles.

Il a ajouté que « cela fait partie d’une longue série de démolitions, le nombre de maisons détruites atteignant environ 300. »

« L’objectif est clair : déporter les habitants et remodeler la géographie du camp. L’occupation cherche à transformer le camp en petites zones résidentielles et à changer complètement son caractère », selon Al-Zuhairi.

Il a poursuivi : « Un tiers du camp ne pourra pas être réoccupé par ses habitants, car leurs maisons ont été ou seront démolies, et parce que l’occupation interdira toute reconstruction future. »

Il a conclu que « ce qui se passe est un remodelage forcé de la géographie du camp, en préparation de son vidage de ses habitants. C’est un plan de déplacement par excellence. »

Il a souligné que le camp, dont la superficie ne dépasse pas 210 dunams (un dunam équivaut à mille mètres carrés), comptait environ 11 000 habitants.

Al-Zuhairi a précisé : « Mais aujourd’hui, tous ont été déplacés et se retrouvent dans un sort inconnu, sans maisons et sans garanties de retour. »

Il a insisté sur le fait que ce qui se passe dans le camp s’inscrit dans une politique israélienne plus large visant les camps palestiniens, à travers la démolition, le déblaiement et la destruction.

Il a ajouté que tout cela vise à faire pression sur les Palestiniens pour les pousser au déplacement forcé et à remodeler la réalité démographique et géographique en Cisjordanie.

Violation du droit international

Dimanche dernier, le gouverneur de Tulkarem, au nord de la Cisjordanie, Abdullah Kamil, a appelé dans un communiqué la communauté internationale, les institutions des droits de l’homme et les missions diplomatiques à intervenir immédiatement pour arrêter la décision d’Israël de démolir 25 bâtiments résidentiels.

Il a souligné que cette mesure « constitue une violation flagrante du droit international, des normes et des chartes internationales, des lois des droits de l’homme et du droit international humanitaire. »

Depuis le 21 janvier dernier, l’armée israélienne poursuit son agression dans le nord de la Cisjordanie, commencée dans le camp de Jénine, puis étendue aux camps de Tulkarem et Nour Shams, causant la destruction de milliers de maisons et le déplacement de plus de 50 000 Palestiniens.

Depuis le début de la guerre d’extermination dans la bande de Gaza le 8 octobre 2023, Israël a intensifié ses mesures en vue d’annexer officiellement la Cisjordanie occupée, notamment par la démolition de maisons, le déplacement de Palestiniens et l’expansion de la colonisation.

L’annexion de la Cisjordanie à Israël mettrait fin à la possibilité d’appliquer le principe de la solution à deux États (palestinien et israélien), inscrit dans plusieurs résolutions des Nations Unies.

Depuis octobre 2023, l’armée israélienne et les colons en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, ont tué au moins 1100 Palestiniens, en ont blessé environ 11 000, et arrêté plus de 21 000.

La guerre d’extermination israélienne à Gaza a fait plus de 70 000 martyrs et 171 000 blessés palestiniens, principalement des enfants et des femmes, causant des destructions massives dont le coût de reconstruction est estimé par l’ONU à environ 70 milliards de dollars.

Israël a été créé en 1948 sur des terres palestiniennes occupées, puis a occupé le reste des territoires palestiniens, refusant de se retirer et de permettre la création d’un État palestinien indépendant dont la capitale serait Jérusalem-Est.