En tant que créancier, pas victime
Le déposant dans le système bancaire libanais est un créancier, pas une victime malgré la crise financière et politique.
SUMMARY
L'article examine la relation entre la politique et le secteur bancaire au Liban, affirmant que le dépôt est une dette juridique certaine qui doit être remboursée, et que le déposant doit être considéré comme un créancier, pas une victime, malgré la crise financière et politique qui a conduit à une redéfinition des droits et à une répartition des pertes.
KEY HIGHLIGHTS
- Le dépôt est une dette juridique certaine à la charge de la banque et doit être remboursé sur demande.
- Le système politique et bancaire libanais a formé une entité unique qui a marginalisé le déposant.
- Les déposants ont été classés en catégories artificielles pour atténuer la responsabilité et fragmenter les revendications.
- La crise a été traitée comme un dossier politique et non comme une violation des contrats et obligations légales.
- La confiance dans le système bancaire s'est érodée et il faut restaurer la loi et la reddition de comptes.
CORE SUBJECT
Droits des déposants dans le système bancaire libanais
L'avocat Rabih Hanna Tanous
Dans un pays où la politique et l'argent s'entremêlent au point que les frontières entre la décision publique et la gestion financière s'estompent, la banque n'est plus simplement une institution de crédit, mais est devenue le reflet d'un système où l'équilibre des responsabilités est perturbé. Une relation organique s'est développée entre la classe politique et le secteur bancaire, ainsi qu'avec la Banque du Liban, faisant du financement une condition du pouvoir, et du pouvoir une protection pour le financement. De cette interdépendance est née une seule entité, sans parties distinctes, où les bénéfices sont répartis et les erreurs accumulées, tandis que le déposant a été marginalisé, exclu de sa position naturelle.
Le dépôt, à son origine, n'est ni un concept émotionnel ni un acte de prise de risque, mais une relation juridique précise : une dette certaine à la charge de la banque, régie par des règles juridiques claires, issues de la loi sur la monnaie et le crédit, du code de commerce et du code des obligations et contrats. Elle repose sur une obligation essentielle : le remboursement de l'argent sur demande. Il n'y a ni partage des pertes, ni mandat ouvert, ni suspension du droit selon les circonstances. Pourtant, au moment de l'effondrement, l'équation a été inversée, transformant le droit en fardeau, et le créancier invité à comprendre l'incapacité du débiteur, comme si l'obligation pouvait être renégociée, alors qu'elle est un devoir impératif.
Avec la révélation de ce dysfonctionnement, au lieu de procéder à une reddition de comptes et à la détermination des responsabilités, le système a choisi de redéfinir les titulaires des droits eux-mêmes. Des classifications artificielles sont apparues entre « grands » et « petits » déposants, « anciens » et « nouveaux », « bénéficiaires » et « non bénéficiaires »... sans aucun critère juridique ou économique scientifique. En réalité, le statut de créancier est unique et indivisible, ne variant que par des différences quantitatives sans affecter le principe. Ces classifications étaient une tentative d'affaiblir le droit en fragmentant ses détenteurs, et d'atténuer la responsabilité en dispersant les revendications.
Avec le temps, la crise n'a pas été traitée comme une violation des contrats et des obligations, mais comme un dossier politique susceptible d'être géré et reporté. Le débat est passé de la question « qui est responsable ? » à « comment répartir les pertes ? », comme si le dépôt était un sujet de négociation et non une dette exigible. Ainsi, la règle a reculé devant l'exception, et la reddition de comptes a disparu derrière un langage technique qui gère la crise, alors que la confiance, qui est le capital de tout système bancaire, était la première à s'éroder. Mais le temps, aussi long soit-il, ne transforme pas l'erreur en droit. La dette peut connaître la prescription dans les textes, mais le droit ne s'éteint pas par une prescription morale. Ce qui a été perdu n'était pas des chiffres effaçables, mais le fruit d'un long effort et d'une confiance légitime en un État et des institutions qui auraient dû être plus solides que la fragilité de la politique. La confiance, une fois brisée, ne se rétablit ni par des déclarations ni par des plans techniques, mais par la restauration de la loi comme référence et de la reddition de comptes comme seule voie vers la justice.
Au terme de ce parcours, le déposant retrouve sa véritable place : créancier, pas victime. Le droit ne se renverse pas sous l'effet de la crise, ni ne se transforme en une revendication symbolique, et le dépôt ne s'efface pas parce qu'il est devenu un fardeau pour un pouvoir en crise, mais reste une dette exigible de celui qui l'a reçue, gérée et dont il a profité. Une société peut-elle récupérer ses droits si elle ne retrouve pas d'abord sa conscience et n'insiste pas pour rester créancière, pas victime ?
KEYWORDS
MENTIONED ENTITIES 2
Banque du Liban
🏛️ OrganizationLa banque centrale du Liban
Rabih Hanna Tanous
👤 Person_MaleAvocat et auteur de l'article